dimanche 13 juin 2010

le luxe par l'escalier

Des fois on ne sait pas trop quoi mettre, quoi écrire.
Le fonds est là, dans des boîtes blanches Ikéa.
Des centaines de cartes postales qui dorment.
Alors mon index fait comme un folioscope rapide et feuillette les images dans un film saccadé aux images lentes et fixes.
Puis soudain, on ne sait pourquoi, on sent qu'il faut parler de cela ou de ceci.
Ce matin c'est l'Amérique du Nord.
C'est le spectacle, une certaine classe internationale.
C'est l'architecture des monuments, l'architecture des grands programmes, celle qui fonde un architecte qui l'assoit dans la ville et l'histoire : un Opéra ou un centre pour les Arts du Spectacle.


Nous sommes à New York au Lincoln Center devant le Metropolitan Opera House.
Le photographe choisit la nuit tombante qui permet grâce à l'éclairage intérieur de lire l'espace interne du hall.
On devine de grandes peintures, un éclairage puissant et un luxe chic et sobre.
Dans le retrait d'une colonnade un rien sèche, un dessin de grille étrange isole intérieur et extérieur.
Je le trouve un peu lourd ce dessin.
Certainement que l'architecte Wallace K. Harrison par ce grand volume ouvert et transparent s'amusa d'un contraste avec le reste de la machine à spectacle, elle, totalement fermée ne révélant rien des entrailles des coulisses.
Ici, il faut voir la ville, être vu d'elle quand les limousines et les taxis vous déposent devant la fontaine circulaire.
Le spectacle commence bien ici, sur cette place qui s'étire jusqu'à votre fauteuil.


Et pour construire ce jeu de piste social, rien de tel qu'un escalier vrillé, courbé qui vous révélera un coup de dos, un coup de face aux autres visiteurs. Votre tenue et les efforts que vous aurez fait pour celle-ci auront alors leur justification quand marche après marche la coupe parfaite de votre blazer italien ou de votre robe longue diront qui vous êtes.
Bien évidemment la main gantée refusera la rampe et préférera tenir un bras solide et d'un peu loin en vous tournant légèrement vous ferez un sourire à John et son épouse que vous n'aviez pas vus depuis la dernière représentation de Carmen l'été dernier.


Vous ne regarderez pas la beauté stupéfiante de cette courbe de l'escalier. Vous la vivrez, un point c'est tout car finalement la grande architecture est celle-là même qui se fait oublier, si douce à la cérémonie sociale.
Le rouge du tapis aussi épais que celui de la moquette de la Lincoln Continental Mark III qui vous a conduit ici.
Les noms disent les choses.
Tout de même, le temps d'une courte pose vous vous retournerez sur la nuit noire de New York et vous confondrez les étoiles un peu pâles du dehors avec la brillance des superbes suspensions.
En bas, en imperméable, une allure d'inspecteur de police attendra on ne sait qui, on ne sait quoi et vous aurez malgré vous une inquiétude au ventre.
Mais la musique...
Et le lendemain :


Cette fois c'est le taxi qui vous aura amenés ici à nouveau. Vous êtes venus avec les ballons jaunes des enfants, vous leur aviez promis.
Ils voulaient voir où vous alliez comme ça tard le soir, les laissant avec la nourrice.
Le jet d'eau éclabousse un peu les souliers vernis et les mains dans les poches votre mari regarde les mains dans l'eau des enfants heureux.
Et puis la petite famille ira chercher des billets pour le spectacle de danse russe. On dit que les costumes y sont d'une grande fraîcheur et que le spectacle respire la joie de vivre.
On dit ça oui, sur la Cinquième.
Mais le chauffeur à la maison a dû préparer la voiture pour rejoindre ce soir Philadelphie et la grand Tante qui vous y attend.
Dépêchez-vous les enfants, lâchez les ballons, points jaunes à jamais dans le ciel bleu de New York.

Les trois cartes postales du Metropolitain Opéra House sont éditées par Alma et photographiées par Franck Dunand.

Celle du Lincoln Center for the Performing Arts est une édition Manhattan Post Card et elle est datée de 1964.