mercredi 8 septembre 2010

Mille et une

Parfois des cartes postales de bâtiments sont éditées pour célébrer des événements.
Elles n'ont d'autre vocation qu'informative et de communication et ne sont d'ailleurs même pas constituées pour être réellement envoyées.
Elles sont distribuées, offertes et on ne sait vraiment pas qui les envoie.
C'est le cas de cette série sur l'Institut du Monde Arabe de Monsieur Jean Nouvel.
Et cela nous permet de voir un chef-d'œuvre (oui, pour moi c'est ainsi) mais de le voir d'une très belle manière car la qualité éditoriale pour laquelle vous connaissez ma sensibilité est très grande ici.
Il s'agit de Cart'Com donc de cartes postales distribuées gratuitement sur des présentoirs dans Paris et en région. Cette série date de 1992 (tout de même !) et fête le cinquième anniversaire de l'Institut.
Commençons :


Vu depuis les quais de la Seine L'Institut du Monde Arabe est installé dans une ambiance très parisienne avec pont et péniches et la lumière sur l'ensemble est d'un beau vert tendre.
On devine parfaitement l'incroyable escalier ziggourat à l'intérieur du volume de verre et la pointe qui offre à son sommet une vue stupéfiante sur le chevet de Notre-Dame et forme une faille entre les deux corps de l'Institut.
Presque discrète ici sur cette image, la construction est d'une grande beauté juste.
Au dos de cette carte postale comme au dos de toutes les autres une phrase ou une citation viennent évoquer l'Institut.
Ici c'est Pierre Miquel :
"Qui dit IMA dit aussi par anagramme, AMI : aimer, montrer, informer "
La photographie de cette carte postale est de P. Delagarde.
Poursuivons avec la façade sud :


Cest sans doute l'image que, tous nous avons de l'Institut du Monde Arabe, un grand pan de verre traité en moucharabieh technologique. Une prouesse technique pour une grande valeur d'image.
C'est à la fois parfaitement judicieux d'un point de vue référenciel et totalement merveilleux au sens du conte de fée.
Et c'est vivant, réagissant à la lumière offrant un cinétisme et quelque chose d'un rien organique qui me séduit beaucoup plus que n'importe quel mur végétal.
Chaque panneau est une belle grille comme un appareil photographique éclaté ou un dessin géométrique arabisant. Quelle intelligence dans cette proposition jouant totalement du décoratif et du hight tech.
La prise de vue est encore de Monsieur Delagrave et elle est superbe. Ici c'est le bleu qui l'emporte. Regardez comme l'accessibilité semble réduite à une fente sous le pan de verre. Cela joue aussi avec le contraste saississant de l'invention d'une place publique devant le bâtiment, lieu de circulation libre et d'une accessiblité limitée (en image) à la construction comme pour rendre finalement important l'acte de le pénétrer. Ici pas de grande porte d'entrée monumentale, pas de signal mais bien un passage en proportion limitée pour gagner l'intérieur. Il s'agit d'une transparence biaisée, d'un contradiction souhaitée. le bâtiment semble à la fois crier son ouverture aux éléments extérieurs (lumière et visiteurs) et à la fois les restreindre, les obliger à passer par une fente, le trou resserré d'un iris...
Oui oui oui.
Mais de l'intérieur :


Nous sommes dans la salle du Haut-Conseil.
Magnifique non ?
D'abord le lieu et la manière dont il est perçu par le photographe G. Fessy.
Jean Nouvel sait faire ça, nous placer sur des belvédères pour voir la ville. Il nous l'offre dans des machines à voir d'une grande poésie.
Et je crois qu'ici avec cette construction, il a parfaitement réussi à jouer d'un bâtiment alternant son désir d'effacement au profit du spectacle urbain et sa présence articulant à l'envi les signes référentiels.
Car regardant l'art gothique et son ambition de dentelle, l'Institut du Monde Arabe est lui aussi un objet technique assumé au service d'une lumière et d'une transparence qui en évoque d'autres plus puissantes que l'on doit aimer en s'en protégeant. Il est un filtre parfait fonctionnant dans les deux sens et ne retenant finalement que les sens éblouis.
Bref tout sauf post-moderne.
La lumière du soir teinte tout d'un orange doré et dessine les motifs sur les piliers.
Une merveille.
On notera les bords blancs qui se veulent toujours le signe d'un certain luxe et d'une attention particulière qui malheureusement n'ira pas, de la part de l'éditeur jusqu'à nommer le nom de l'architecte.
Et là, vraiment on ne comprend pas !