mardi 4 décembre 2012

Pyramides

Je reçois ce matin une publication des éditions P : Pyramides de Birgit Schlieps et Katharina Schmidt. Les deux artistes donnent à voir photographies en noir et blanc et dessins. Il s'agit sans doute d'un dialogue réussi mettant surtout en avant la charte graphique de l'ensemble de la Grande Motte décrite ainsi de deux manières bien connues de l'histoire de l'architecture. Opposer le dessin, outil même de l'architecte comme moyen de penser, à celui de constat du réel que propose la photographie est un jeu dangereux. On pourrait croire que le réel toujours plus fort ne donne aucune chance au dessin. Pourtant l'ouvrage parfaitement édité donne bien l'impression contraire. La rivalité des deux modes fait naître une complicité qui sert le projet de Jean Balladur et rappelle les qualités solides de son urbanité et de son architecture.
Car il serait aisé au vu des "images" de la Grande Motte de croire qu'il ne s'agit que d'une architecture graphique, de façades découpées et de plaisirs plastiques et formels. Or, toute la solidité de Jean Balladur, et on peut dire son génie, est dans la fabrication non pas d'une utopie autoritaire mais bien d'une attention humaniste voulant offrir au moindre point de vue (piéton, habitant, plagiste, automobiliste...) une vraie ville, un vrai paysage.
C'est bien là la beauté de ce jeu des deux artistes. La photographie toujours prise depuis le sol ne fait qu'enregistrer l'état actuel de la ville avec ses laideurs, ses abandons d'une vie de ville normale pleine d'errements publicitaires, d'aménagements urbains dégueulasses et d'automobiles dont il faudra inventer la nostalgie pour les trouver belles. Et même si l'absence de couleur de ces photographies allège l'effet insupportable d'une dégradation que l'on devine bien profonde on continue de percevoir les qualités remarquables de l'architecture de Jean Balladur. Comme si la couleur en moins on retrouvait une forme idéale et idéalisée d'un plan.
Le dessin surgit à ce moment-là, réglant définitivement cette question en affirmant parfois les détails mais également étrangement les erreurs. C'est beau aussi parce que c'est joyeux. Il n'y a là de visible dans ce projet artistique aucune remise en question de cette architecture. Et là, je m'oppose au texte de Ulrike Kremeier. Car s'il ne fait aucun doute que l'histoire de la Grande Motte est une histoire planifiée et politique, comment croire que ce travail de regards croisés pourrait accuser le caractère "autoritaire" de cette construction alors même que les deux artistes jubilent simplement, franchement de sa beauté et de ses spécificités ! Car ce n'est pas "malgré une planification centrale" mais bien GRACE à une planification centrale que les errements espagnols de l'aménagement du territoire maritime ont été évités en France et dans cette région. Au lieu de faire semblant de se placer dans la dénonciation inutile d'un acte politique fort (et démocratique) il serait bien plus heureux de constater que malgré la hauteur et l'ambition d'une telle décision, Jean Balladur a su rester à une échelle humaine et donc artistique. Mais l'époque et la critique contemporaines ont bien du mal à jouir, comme si l'intelligence de l'argumentation devait toujours se placer du côté de la négativité.
Reste que les Editions P, conduites par Denis Prisset nous offrent là encore dans leur très jubilatoire catalogue la preuve de la constance de leur univers. Le catalogue fourmille de publications auxquelles, sur ce blog, nous sommes sensibles : Gérard Traquandi, Bertran Berrenger, Josué Rauscher, et Denis Prisset lui-même.
Alors n'hésitez pas pour les fêtes à faire un beau cadeau... Merci Denis pour cet envoi.

Pyramides
Birgit Schlieps, Katharina Schmidt
Ulrike Kremeier
isbn-978-2-917768-28-0
12 euros seulement.

éditions P
info@editions-p.com
www.editions-p.com



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Souvenir du Banco !


Merci Tony pour cette petite douceur, signe de votre fidélité !
J'adore !
On devrait l'éditer non ?
Bien à vous.
David

dimanche 2 décembre 2012

Banco !

 J'aime apprendre.
Je voulais donc savoir qui avait bien pu dessiner le caractère typographique qui a fait la modernité de Royan, caractère typo que l'on retrouve sur les cartes postales mais également sur les vitrines des magasins et plein d'autres supports.
Ce ne fut finalement pas difficile de trouver que cette fonte typographique est due à rien moins qu'à l'un des plus célèbres dessinateurs-typographes : Roger Excoffon.
La fonte en question porte le joli nom de Banco ! Merci la revue étapes graphiques !
J'ai donc décidé ce jour de vous faire partager quelques cartes postales qui utilisent ce caractère. On en profitera au passage si cela est possible pour voir quelques morceaux architecturaux...
On commence par la voie royale !
Banco !



Cette carte postale déclare la modernité de Royan et comme elle a raison ! Le choix des constructions raconte bien la ville et ses richesses. Le jaune si caractéristique également de Royan est ici utilisé pour inscrire la typo. La carte postale Cap fut expédiée en 1970 mais est d'une conception bien plus ancienne.



L'éditeur Théojac préfère, lui, utiliser des termes qui évoquent le bord de mer. Le choix des images est pourtant quasiment le même que la carte postale précédente. Images qui d'ailleurs comme souvent avec les cartes multiples existent en solo.
Une série de souvenirs... souvenir de Caen, de Cherbourg, de Sens... On remarque que souvenir est au singulier.
Caen :



L'éditeur Cap opère un choix d'images qui nous permet de saisir aussi que la ville de Caen a dû, comme Royan, être reconstruite. Cela nous permet de saisir ici l'université de Bernard et Hur architectes et le très beau syndicat d'initiative tout de verre et de métal qui n'est pas sans rappeler le Restorama de Jean Prouvé à Royan ! On notera que l'architecte de cette belle petite perle est Monsieur Manson, nommé par l'éditeur. La carte fut expédiée en 1964.



La pin-up de la semaine :



La seule architecture intéressante est sans doute la belle pin-up au centre de cette carte postale des éditions Cap. On en admirera la structure, les courbes en appui, et des volumes très généreux !
Puis :



La ville de Sens se reconnaît dans un pont, sa mairie, ses péniches mais pas encore dans le centre commercial de Claude Parent ! Pas de doute que nous verrons bientôt une nouvelle éditions de cette carte postale avec cette fois la belle construction !
Un peu de local :



La ville de Mont-Saint-Aignan est située sur les hauteurs de Rouen. Cette édition Greff a attendu 1996 (!) pour être expédiée !



La ville de Rouen aussi passe par la typo Banco pour dire ses particularités et cela bien tardivement car cette carte fut imprimée au milieu des années 90 ! Quelle permanence pour ce caractère !
Plus intéressant sans doute :



Le Village Vacances Familles de Guidel est de l'architecte André Gomis. Nous avons déjà vu cet ensemble d'une grande qualité. La carte postale Jos fut expédiée en 1968 et nomme bien l'architecte.
Une petite gourmandise :



Un peu retravaillée la typo Banco ici nous permet de réunir quatre Villas alliant des styles très différents passant par le régionalisme propre au modernisme un rien amusé. Certainement une manière de permettre à chacun de se reconnaître dans une villa au moment du boum des maisons secondaires en France. Nous sommes en 1970 par les éditions Chatagneau.
Pour finir un beau bazar !



A Ronce-les-Bains, le magasin Tentation affiche fièrement la typo de Roger Excoffon là aussi sans doute un peu retravaillée.
Le magasin, en tout cas si on en croit la légende, "fait sensation " !
Et c'est vrai qu'enfant, ce genre de bazar était un rêve à visiter en descendant vers la plage ou en remontant de la baignade... Et c'est bien dans ce genre de boutiques que l'on achetait les cartes postales !
Je passerai sur la côte basque ou sur l'ile de Batz... mais je vous offre agrandis tous ces mots en beau Banco. Merci Mr Excoffon !




samedi 1 décembre 2012

Calder est très mobile

Il semble que le sculpteur Calder ait semé aux quatre vents ses sculptures. Il a parsemé les esplanades des architectures modernistes de ses œuvres, offrant souvent là les courbes et les couleurs semblant faire défaut aux architectures.
Parfois gigantesques, parfois plus modestes, les œuvres de Calder se prennent parfois pour des lieux, des espaces que les corps des piétons et des visiteurs doivent faire vivre. Comme une petite broche, un petit bijou posé sur l'austère revers du costume moderniste, le stabile (rarement le mobile !) s'amuse de sa proximité matérialiste avec les structures des tours internationales. On devine du métal plié, boulonné, découpé comme un échantillon tordu génialement. Comme si, avec le reste du métal, inutile à la structure de la construction à la fin du chantier, le sculpteur avait chalumeau à la main découpé et soudé une fantaisie joyeuse pour en orner les entrées.
Le dessin en est toujours parfait, l'échelle aussi et on verra que ce jeu amuse beaucoup les photographes de cartes postales qui y trouvent une animation bien... stabilisée.
Il fallait toujours, à une certaine époque, une sculpture moderne pour affirmer la modernité de l'architecture. Les œuvres atterrissaient là, un rien par hasard, un rien comme un signal, un rien comme une identité même. Aujourd'hui le syndrome moderne est passé sur les ronds-points qui savent sous le goût parfait de nos élus locaux nous offrir le magnifique catalogue des machins humoristico-débiles provenant d'un subtil mélange d'art contemporain mal acquis, de blagues potaches, ou encore des errements paysagers régionalistes à la mode de Chaumont. Il faudra vite en faire un inventaire pour mieux les détruire.
Reprenons donc vite une belle leçon de sculpture avec Calder :




Cette carte postale André nous montre bien comment la ville se représente moderne en 1977. L'éditeur dans cette vue-multiple nous affiche toutes les merveilles de l'architecture de la ville de Grenoble : palais des sports, tours, maison de la Culture, la mairie et enfin la gare avec sur son esplanade une œuvre de Calder que l'on voit parfaitement ici. Grenoble est moderne c'est certain !



Tellement moderne que l'éditeur de cette autre carte postale nomme "le Calder" directement sur l'image, comme si, toute ville moderne se devait d'avoir sa gare et son Calder !




Sur cette autre carte postale visant bien plus la gare, le photographe des éditions André ne peut s'empêcher de cadrer à la limite droite de l'image le-dit Stabile même s'il vise bien plus la gare.
Plus équilibré :



Cette autre carte postale de Grenoble du même éditeur rend mieux hommage à l'œuvre du sculpteur. On remarquera comment d'ailleurs celle-ci semble enfoncée dans le sol très bien dessiné également.
De nuit :



La carte postale la Cigogne cette fois nous montre bien avec l'éclairage nocturne la structure du Stabile de Calder. On notera que les éditeurs citent bien le nom de Calder et de son Stabile.
Plus parisien :



Niché au creux du canyon des tours de la Défense, le Stabile de Calder semble bien petit ! Pourtant on le devine comme centre de cette image, comme point de visée du photographe J.E. Pinet que nous connaissons bien. Ici Mr Pinet travaille pour les éditions Abeille-cartes. La carte postale fut expédiée en 1988 par votre serviteur à sa grand-mère ! Preuve sans doute de ma constance dans le goût pour ce genre de lieu !
Rapprochons-nous...



Cette carte postale nous permet encore d'apprécier le choc entre l'architecture et la sculpture de Calder. J'aime le monolithe noir de la Tour Fiat que l'on doit aux architectes Roger Saubot et François Julien entre 1972 et 1974. Les éditions Raymon font encore merveille avec Mr Pinet leur photographe. On s'amusera aussi de la silhouette féminine tout juste au bord de l'image ainsi que de l'arbrisseau qui vient briser la part un rien abstraite de l'ensemble. Un beau cliché vraiment.
On aura remarqué qu'entre les deux cartes postales des constructions sont venues remplir le vide sur l'esplanade !



Cette incroyable et magnifique carte postale Raymon nous montre la sculpture de Calder sur le parvis de la Défense. Très précise la carte postale nomme également les trois tours à l'arrière plan : Tour Générale, Tour Crédit lyonnais, Tour Atlantique. La belle photographie est du toujours talentueux J.N. Duchâteau qui permet au Stabile de prendre entre ses doigts d'acier les belles tours modernes. Le dessin de cette sculpture et d'une grande perfection alliant des vides courbes et des pleins rouges. L'ensemble tout en étant assez brutal est comparable à des arcs-boutants floraux. Plis, soudures, découpes, jonctions et lignes fabriquent non seulement une forme pour les yeux mais également un espace, un lieu et, oui, une architecture.
Similitude américaine :



Quelle carte postale !
On notera ici sur cette édition Illinois Distributing que c'est bien le Stabile de Calder qui est mis en avant puisque c'est lui qui est titré sur le recto de la carte postale. La très belle photographie de  P. Valdez nous place dans l'ombre du Dirsken Building qui est l'œuvre de Mies van de Rohe, rien de moins !
Là encore l'opposition entre l'architecture froide et subtile de Mies et la chaleur rougoyante de Calder fait merveille ! Quel étrange insecte de métal ! Voyez aussi comment cette fois l'œuvre de Calder rejoint le sol. Non pas en s'y enfonçant directement mais en prenant appui sur des petites dalles ce que je trouve vraiment moins bien qu'à la Défense. On la dirait posée au lieu d'être enfoncée dans le sol, ce qui change beaucoup. Mais quel dessin ! Quel élan graphique !
On retrouve notre Stabile à Chicago :



Cette carte postale met en opposition l'œuvre de Picasso à gauche et celle de Calder à Droite. Aero Distributing Co. parle des chefs-d'œuvre de Chicago ! Cela nous permet également de mieux voir la grille de l'immeuble de Mies van der Rohe à l'arrière plan.

mercredi 28 novembre 2012

L'arlésienne royannaise

Vous le savez je suis en pleine préparation de l'exposition de mes cartes postales sur Royan qui aura lieu au mois d'avril 2013 suite à notre résidence du Comité de Vigilance Brutaliste avec Thomas Dussaix.
Depuis quelques jours, j'affronte deux difficultés majeures : trouver la correspondance en gouache du jaune typique de Royan et... retrouver une carte postale inédite d'un lieu disparu à Royan. J'avais entrepris de reprendre l'ensemble de mes classeurs, l'ensemble de mes boîtes (plus de 7000 cartes !) en vain... La carte postale se refusait à moi.
Ce que cette expérience de perte révèle c'est la capacité du cerveau à garder en mémoire une image et non le lieu de son rangement ! Pourquoi autant de précisions mentales sur l'image que j'aurais pu vous décrire dans les menus détails et par contre cette difficulté pour le même organe à me dire le lieu où j'ai rangé cette image !
Etrange...
Mais...
Ce matin, l'esprit clair, j'entreprends de nouvelles fouilles archéologiques dans l'ensemble de mes placards. Rien. Puis, alors même que l'abandon commence à me gagner, je trouve contre ma bibliothèque un vieil album de cartes plein non pas de la seule carte de Royan qui me manquait mais d'une dizaine d'autres !
Je dois un cierge à Saint-Antoine de Padoue !
Comme il s'agit d'une victoire sur la perte je vous en fais profiter :



Nous sommes devant le bar du bac à Royan donc, ouvert toute l'année comme c'est précisé. L'édition Théojac nous pose devant ce très beau petit bâtiment qui ne manque vraiment pas de qualité. Regardez la gestion de l'entrée qui creuse un espace abrité sous l'auvent supporté par des pilotis graciles.



Regardez comment le profil en aile d'avion du bar vient dessiner une grande baie vitrée faisant de la montée et de la descente du bac un spectacle. On devine un beau rouge vif peint sous l'auvent qui se poursuit le long de la façade. Non, je le concède, rien d'extravagant dans cette petite construction mais toute l'attention d'un architecte (inconnu) qui aura fait une œuvre modeste certes mais qui ne démérite pas.



Les deux messieurs à casquette blanche (pilotes du bac ?) m'ont toujours fait penser aux forains dans "Les Demoiselles de Rochefort" de Jacques Demy. On a l'impression que les sœurs jumelles vont venir manger des frites faites par leur mère qui ne voulait pas s'appeler Madame Dame.
Miracle de la nostalgie, je découvre que cette carte postale me fut personnellement adressée par ma grand-mère en 1976... Et excusez-moi mais cela fait de cette carte postale bien plus qu'une fenêtre sur l'architecture une bulle superbe sur mon enfance.



lundi 26 novembre 2012

Haïku, Noguchi, Claude.

Dans la fraîcheur du sous-sol, en pleine recherche d'une carte postale de Royan disparue, je retrouve cette très belle et idiotement oubliée carte postale envoyée par Claude.



La carte postale Yvon donne la part belle à cette superbe réalisation de Noguchi qui sait jouer et discuter avec l'architecture de l'UNESCO.
On s'étonnera de ne pas être gêné finalement par le noir et blanc qui semblent bien, tous deux, dire surtout les qualités graphiques de la réalisation de Noguchi. La carte postale envoyée en 2002 (eh oui Claude !) est bien évidemment antérieure à cette date.

" l'horizon me coupe en deux, le soleil est à deux centimètres au-dessus, la campagne est éclairée "

Ce haïku est de Claude et il fait le texte de la correspondance et la beauté de cet envoi.
Rien à ajouter ni à retrancher que ce soit pour la carte postale ou pour ce texte.
A part, pour le plaisir, des détails :
merci Claude.









dimanche 25 novembre 2012

Le Corbusier : trois photographes

Trois cartes postales qui vont nous permettre encore d'interroger les points de vue de photographes sur l'œuvre de Le Corbusier.
On commence avec Eveux et son couvent des dominicains :


La carte postale fut expédiée en 1960 par Guy pour les vœux de l'année 1961. Il indique aussi qu'il y a séjourné pour se reposer et qu'il a beaucoup apprécié le lieu. On est heureux pour lui.
La photographie nous donne à voir un espace vide seulement scandé par les ombres et les lumières produites par le pan de verre à gauche, dont le dessin est de Iannis Xenakis. 


Toute la puissance plastique de cette photographie de Monsieur  A. Caillon est construite sur cette lumière totalement structurée et composée par ce travail. Les fins observateurs auront remarqué que le lieu n'est pas terminé car à droite de l'image il est encore ouvert.


 L'image pourrait ainsi dans le vide de ce lieu le faire apparaitre un rien fruste et sévère. Mais c'est bien un couvent... La beauté doit être perçue comme un don difficile mais solide dû à une jubilation de peu, un engouement des simplicités. La référence à l'art roman est pour moi dans ce type d'images une évidence et sa brutalité aussi.
Retrouvons Lucien Hervé :


Cette carte postale des éditions de la Société Immobilière Notre-Dame du Haut est bien une photographie du célèbre Lucien Hervé. Elle porte l'étrange et mystérieuse référence E. III. 184 dont il est bien difficile de décrypter le sens...
Très bas sur le sol, depuis la pyramide dont on devine les gradins à droite Lucien Hervé cadre franchement la Chapelle de Le Corbusier sans trop d'effets ni d'ombres ni de cadrage. Rien vraiment ne permet en voyant cette image rapidement de faire tomber la photographie dans un sens plus artistique ou plus original qu'une carte postale d'un autre photographe. Sans doute que seule cette "morsure" du premier plan par les gradins vient contrecarrer cette impression. Pourquoi diable n'avoir pas fait un pas de côté pour éviter cette intrusion ? Simplement parce qu'elle est volontaire... Répondant aux fragments géométriques de l'autel extérieur, les gradins dialoguent avec cet agencement en faisant un écho mais aussi, Lucien Hervé sans aucun doute se place là, assis sur ces marches comme n'importe quel pélerin et délivre ainsi une image juste, celle non pas d'un artiste composant son image pour, en quelque sorte s'approprier le lieu, mais laisse ce dernier jouer son rôle, être à l'exact de l'échelle de sa fonction. Vu les ombres, le soleil est haut, nous ne sommes pas loin de midi.
Entrons :


On retrouve le photographe Marcel Blanc avec cette carte postale de l'intérieur de la Chapelle de Ronchamp. L'édition est la même que celle de Lucien Hervé ce qui confirme que la Société Immobilière a bien fait travailler et éditer des images de plusieurs photographes pour les diffuser. Comment furent-ils choisis ? Par Le Corbusier lui-même, désireux de tenir en confiance l'image de son architecture ? Si cela est bien possible avec Lucien Hervé comment le savoir pour Maurice Blanc ? Et surtout, comment Corbu pouvait-il maîtriser ainsi les choix de photographes pour l'édition de cartes postales ?
Mais revenons à cette photographie. Le point de vue est assez rare car nous tournons le dos à l'autel pour regarder vers le confessionnal. Maurice Blanc fait descendre dans son image la courbe du toit au tiers de celle-ci en laissant franchement onduler la ligne de raccord entre les murs et ce ciel de béton presque noir. L'étagement des bancs permet également de saisir un sol en pente et nous donne à réfléchir sur le vide qui semble immense entre ces bancs et le mur de droite. Pourquoi ce vide ?
Le crépi du mur est sensible, la lumière pourtant dure arrivant à droite n'arrive pas à le gommer. Là aussi l'austérité encore accentuée par le noir et blanc donne à l'ensemble une image sévère dont la jubilation proviendrait d'un recueillement, d'une attention délicate aux détails des matériaux, des formes et des jeux d'espaces. Aucune place dans cette photographie comme dans les deux autres à ceux qui utilisent, visitent, font vibrer ces lieux de leur présence. Aucun visiteur ne viendra donner l'échelle, faire de son corps l'objet même de toutes les attentions de l'architecte sauf peut-être avec Lucien Hervé le corps même du photographe révélé par son cadrage, la hauteur de son œil. Est-ce suffisant pour défendre et raconter une architecture ?
Je n'en suis pas certain. Mais ce vide qui fait l'essence même d'une école photographique germanique contemporaine est souvent au service bien plus d'un espace que d'une humanité. Le silence y est vénéré comme une présence. C'est bien là le paradoxe de l'objectivité.

mardi 20 novembre 2012

Jean Prouvé à Royan : une conférence.




Hier soir nous avons assisté à une conférence sur Jean Prouvé à Royan.
Au-delà des difficultés inhérentes au genre ne permettant pas toujours d'aller droit au but et de nous parler effectivement de Jean Prouvé à Royan mais bien plus de la personnalité touchante de ce grand nom de l'architecture, nous avons tout de même pu saisir quelques très petits éclairages sur sa présence dans la plus belle ville du Monde.
On doit surtout s'attacher dans ce cas à la présence de Catherine Prouvé qui a su, elle, nous communiquer avec passion, sérieux et évidemment la tendresse d'une fille pour son père les joies et difficultés de Jean Prouvé dans sa carrière.
Nous avons pu aussi tardivement et trop succinctement découvrir des documents de l'architecte, documents qui sont des trésors qui auraient mérité un travail sérieux d'analyses et de décryptages. Je vous propose de voir quelques images (mauvaises) prises pendant cette conférence.







On y aura appris que Jean Prouvé avait dessiné un front de mer pour Royan qui finalement n'aura pas été choisi. Mais il avait aussi semble-t-il proposé un type de maison différent du prototype 8x12 construit lui en bord de mer pour en tester la résistance.



 Nous ne savons rien de ce choix, rien de la localisation de la maison et de son histoire... Dommage. Rien non plus sur les qualités constructives de ces maisons.
Nous aurons appris que Jean prouvé avait travaillé en 1936 pour la Poste avec Monsieur Ursault... Il aurait fallu développer un peu.
Il faudra, et cela est maintenant une évidence, permettre un vrai travail autour de cette production de Jean Prouvé à Royan. Une exposition de ces documents, une analyse par un spécialiste, une publication viendront certainement (vu l'importance de ce qui émerge maintenant ) révéler au public cet héritage primordial.


dimanche 18 novembre 2012

Internationale class affaire


Barry Lewitt




















Sue Lewitt-Astair



















Edmond Lichtenstein





















Miranda Lichtenstein-Partners




















Barry, Edmond, Miranda et Sue cherchaient depuis longtemps un endroit chaleureux et chic pour se retrouver et pratiquer les voies d'un épanouissement de groupe.
Les deux couples s'étaient découverts plein de points communs au beau milieu d'un après-midi chaud sur la Piazza Navona à Rome.
Barry, avocat d'affaire à la Kubrick' s Corp spécialisée dans le marché de l'art contemporain européen venait en quelque sorte faire ses courses et avait emmené Sue dans les dédales de la vie de Bohème italienne. Miranda, épouse modèle mais aussi décoratrice d'intérieur et de cinéma avait réussi à traîner en Europe Edmond, spécialiste du courtage sur les marchés des céréales aux U.S.A.
Edmond aimait à voir et entendre Miranda lui chanter les merveilles de l'Art du vieux continent mais aimait aussi beaucoup ces moments de grande tranquillité aux terrasses ombragées et silencieuses des tavernes italiennes.
C'est bien là que les deux couples se trouvèrent.
Rapidement la conversation s'engagea sur les souvenirs de voyages en Europe et Sue et Miranda aimaient aussi se donner leurs bonnes adresses de couturiers et de chapeliers à Venise et comment il était difficile parfois d'emmener leurs hommes dans les boutiques cachées au fond des cours.



Le Palmer House de Chicago offrait le calme et la classe nécessaire à ces quatre amis de retour sur les terres américaines. Alors que la trompette fatiguée de Miles Davis agissait comme un tapis sonore profond et langoureux, tous jouaient bien leur rôle en attendant le vrai moment qui les réunissait ici. Ils avaient ensemble appris à aimer cela et s'étaient étonnés eux-mêmes de la simplicité avec laquelle ils avaient découvert ces pratiques et ces sensations. Ils choisissaient ainsi de se retrouver le plus souvent possible selon les lieux de leurs errances d'affaires ou de tourisme.
Edmond devait en effet créer un cabinet dans cette ville de Chicago et chercher un lieu simple et confortable lui permettant de recevoir ses amis.




Au Québec, il venait d'ailleurs de créer un bureau de ce genre et il racontait avec vives impulsions les méandres de ce pays étrange où l'on pouvait parler français.



Dans l'hôtel Lœws Concorde, Edmond et Miranda avaient trouvé eux aussi ce sens simple d'une vie réglée par les horaires d'avions, les locations de limousine, les numéros de téléphone des coachs sportifs.

En réponse à cette expérience, Barry et Sue répliquèrent par la qualité des services du Holiday Inn de de Los Angeles à Hollywood qui servait de base de retrait à Barry pour voir les artistes de son pool.
Discrétion, propreté, amabilité et cuisine française fine faisaient de ce lieu une expérience unique.



Tout cela avait disparu une nuit de 1982.
Le Boing 747 de la Pan Am qui emmenait les quatre amis vers Berlin pour un séjour plein d'échanges et aux frissons garantis par la proximité du bloc communiste s'écrasa dans l'océan atlantique.
Au Palmer House, dans le réfrigérateur, une bouteille de Champagne attendra au frais mais en vain le retour des deux couples.