mardi 31 juillet 2012

la mort un peu





















Pour ceux qui veulent cuisiner dans un cercueil, ceux qui pensent massif et chêne, ceux qui dans le coin, la tête tournée vers le marron flammé d'un carrelage, font cuire le dégoût, ceux qui le samedi décrochent les rideaux pour la lessive, ceux qui rangent les épices dans les petits pots de la grand-tante, ceux qui dans la cruche en terre versent l'eau du robinet pour rêver à la fontaine en imitation bronze dans le jardin, ceux qui accrochent le dessin de leur cuisine comme une œuvre d'art sur le mur de gauche, ceux qui encaustiquent les vernis pour faire quelque chose de leur journée, ceux qui remplissent le four de poulets fermiers pourtant trop salissants pour ce four auto-nettoyant, ceux qui tout de même ont cédé aux plaques électriques parce qu'il faut être de son temps, ceux qui font la vaisselle en surveillant le noir des fenêtres sur la vie des voisins, ceux qui Pétunias sur le rebord, ceux qui Ficus à l'intérieur, ceux qui croient faire avec cette cuisine comme avec une armoire normande du patrimoine familial, laisser quelque chose à leur enfants. Pour ceux qui vivants, sont déjà morts un peu : une cuisine française.


lundi 30 juillet 2012

un club et la Méditerranée

Nous allons visiter un Club Méditerranée en trois cartes postales. Nous n'apprendrons rien sur le ou les architectes de ce Club d'Agadir au Maroc simplement parce qu'il arrive qu'on ne trouve aucune information !
Mais nous verrons que pourtant ce Village Hôtel a de belles qualités.


















Depuis ce point de vue on peut au moins acquiescer à une grande transparence de l'ensemble puisque les deux parties de cette construction n'arrivent pas à boucher le point de vue sur l'horizon de la mer !
Les reflets dans les vitres troublent encore le rapport entre le dedans et le dehors surtout sur la gauche de l'image. Les vitres descendent jusqu'en bas, le sol est ainsi au même niveau à l'intérieur et à l'extérieur formant une continuité visuelle mais aussi d'espace. Ce trouble est une qualité.
Les formes des constructions sont simples, rien depuis ce cadre ne permet de dire autre chose que de beaux espaces simplement posés, simplement dessinés et posés sur le sol en offrant le maximum de chance au paysage. C'est bien là aussi une belle qualité et une attention.
Si on regarde bien on commence à deviner quelque chose de pourtant particulier.
Encore bien plus lisible là, sur cette autre carte postale :


















Saisissant non ?
Un rideau de fer forgé fait la séparation entre deux fonctions de l'hôtel. On devine la salle à manger à gauche (admirez au passage les beaux sièges !) et le salon-bar aux sièges en rotin bien plus bas.













































Sans doute un espace ouvert aux clients de passage et un autre réservé aux résidents permanents. La grille magnifiquement utilisée ici pour sa transparence et son graphisme vient travailler avec la triangulation du plafond qui fait toute la surprise de ce lieu. Triangulation qui pourtant ne semble pas ici constructive puisqu'elle ne détermine rien de la forme extérieure. Cette "Fantaisie" superbe et forte est encore bien plus visible ici :


















Alors ?
Etonnant non ?
Regardons bien cette carte postale. Et regardons par exemple le pilier de gauche au premier plan. On devine qu'il récupère la triangulation du plafond par 4 barres qui forment les arêtes de la pyramide. Chacune d'elles reçoit à son tour les zébrures de baguettes (de bois sans doute) qui font le jeu formel de ce plafond. Pourtant ce qui est un rien étrange, c'est que cette pyramide semble bien articuler une forme en creux dans le toit de la construction. Peut-on croire à un caissonage par l'envers du-dit toit ?

























Voyez en tout cas comment cela a une grande ampleur. Pour cela regardons le détail du barman qui pose sa tête à la rencontre de la pointe pyramidale.
Tout cela est bien spectaculaire !


























Mais voilà tout ce travail, cette attention architecturale, restent anonymes. On pourrait rêver à Zevaco mais l'extérieur semble un peu sage et je ne trouve vraiment aucun indice sur cette possibilité. Alors ?
Qui dessina ce beau Club Méditerranée à Agadir ?
Les trois cartes postales sont des cartes-photos dont seules les mentions de lieux et la marque Gevaert du papier photographique figurent au dos.

La réponse arrive le jour même (!) par notre ami Philippe Perreaudin, alors je ne la laisse pas dans un commentaire mais vous la livre directement dans l'article:
l'architecte est Emile-Jean Duhon et les aménagements sont de Ludmila Weiler. Philippe Perreaudin trouve cette source dans L'Architecture Française, N° 303-304, 1967, Page 79-82.
Voilà qui est précis, concis et rapide !
Nous aurions pu penser à Duhon effectivement qui avait déjà réalisé à Agadir le très beau restaurant La Réserve que nous avions vu ici même.
Merci donc encore Philippe Perreaudin.





samedi 28 juillet 2012

Le Comité de Vigilance Brutaliste à la plage

Nous recevons de la part de Thomas Dussaix, l'un des deux membres permanents et fondateurs du Comité de Vigilance Brutaliste et de Céline Dufust, une artiste accomplie, une série estivale de cartes postales.
Nous passerons sur le fait que, au lieu de parcourir les architectures de béton, de se perdre dans les méandres noires des cités enfouies, de s'écorcher les genoux dans les caves abruptes des monolithes modernes, Thomas Dussaix préfère, bien accompagné il est vrai, la chaleur douce d'un sable jaune sur une plage.
Que voulez-vous, les membres du Comité de Vigilance Brutaliste sont aussi des hommes comme les autres...
Mais malgré cela il sait choisir ses cartes postales : il fut bien instruit celui-là !
Regardons :



















Cette carte postale un peu ancienne pour notre blog est pourtant un choix judicieux. Ce monument ainsi représenté dans un noir et blanc chaud montre bien une construction qui pour sa géométrie est parfaitement recevable. Une pyramide tronquée et brutale, une ouverture a minima, tout cela hésite entre une architecture militaire, un bunker, une œuvre de Vauban tête-bêche ! On en trouve dans le très précis "Les architectes de la Mémoire"* aux éditions du Huitième Jour, une description informative :
"Le monument ossuaire de la ferme de Navarin est situé à 45 km à l'est de Reims sur le bord de la RD 77, environ à 30 km au nord de Chalons-en-Champagne. A l'emplacement d'une ancienne ferme-auberge se dresse une importante pyramide de béton et de grès rose, surmontée de trois soldats en pierre. Le soldat de gauche a les traits du frère du sculpteur, Real Del Sarte, tué en Champagne pendant la Première Guerre mondiale. Le monument abrite une chapelle dont les murs sont tapissés de stèles et d'un millier de plaques commémoratives apposées par les familles des disparus dont celle des quatre fils du Président Doumer. Dans la crypte reposent les restes de 10 000 (sic!) soldats tombés au front de Champagne où se sont déroulés les combats les plus acharnés."
Nous apprenons également que l'architecte de cette tombe monumentale est André Bauer, la statuaire est donc de Réal Del Sarte, le ferronnier est Raymond Subes.
Beaucoup plus récent :



















Nous retrouvons, grâce à cette carte postale Rex inédite sur ce blog, le très beau et puissant V.V.F d'Anglet " la Chambre d'Amour" dont nous parlons souvent ici comme un exemple parfaitement réussi d'une grande architecture sur nos côtes. Revoyez ou ou encore ici. Le point de vue tente le miracle de décrire à la fois la mer, les loisirs et la construction. Trois bleus : ciel, mer, piscine contre un brun chaud, celui de la bâtisse et de la falaise. Je crois que notre frileux Thomas aurait bien plus volontiers choisi ici... la piscine...
Plus au sud :



















Une merveille non ?
Nous sommes à Tenerife sur les bords de la Costal del Silencio par l'éditeur Perla.
Quel magnifique jeu constructif ! Quel beau travail du béton ! Qui a dessiné cela ?





















Le jeu magnifique des retraits et des débordements des balcons, la succession des modules s'emboîtant les uns après les autres, tout cela forme une belle architecture moderne de vacances dont nous ignorons malheureusement le nom du ou des concepteurs... Si vous avez une idée... La sculpture également reste anonyme, elle ne manque pourtant pas de mystères organico-mécaniques !
Pour finir une rareté :


























Voici une carte postale très rare d'un bord de mer agitée surveillé depuis la hauteur par un bunker taggué de neuf. Nous sommes à la plage de l'anse du croc à Préhel. Cette carte postale est une vue d'artiste qui s'intitule "le Surveillant", on la doit aux éditions C.V.B dont la légende voudrait que la reproduction (de la carte !) serait impossible.
Je vous en laisse juge.

* les architectes de la Mémoire
éditions du Huitième Jour, 2007
par Simon Texier
Photographies de Jean Christophe Dartoux
isbn-9782914119894

vendredi 27 juillet 2012

école blanche

Jean-Michel venait d'arriver.
Il avait dans les yeux et dans les jambes un étrange mélange de Chartres, son ancienne ville, et de l'Italie où il venait de passer une semaine avec son ami de lycée, Antoine, comme lui nouvellement gratifié d'un baccalauréat.
Il était enfin là devant son école.

éditions Tardy



















Il avait choisi celle de Marseille pour sa pédagogie. C'est ce qu'il avait expliqué à ses parents. Mais il avait choisi Marseille aussi pour sa situation.
Il rêvait d'abord d'être loin de Chartres. C'était parfait. Il rêvait d'être loin de ses parents. C'était parfait. Mais il regrettait déjà l'éloignement d'Antoine qu'il connaissait depuis toujours.
Enfin il faudrait ici apprendre son métier, apprendre à le vivre avec d'autres de son âge et l'école lui fit une belle impression. Il se rappelait même un peu les lieux car il avait dû venir pour son concours d'entrée. Il avait donc une sensation de familiarité mêlée d'une trouille un peu pressante. Il regarda d'abord depuis l'extérieur son école toute neuve. Une succession de blocs blancs immaculés aux grandes ouvertures semblaient par leur géométrie jouer contre les rochers gris du paysage. Un ciel d'un bleu dur écrasait sa nuque. Il la trouva belle cette école.
Il devait maintenant entrer.

éditions Tardy


















Il fut d'abord un rien décontenancé par l'absence d'autres élèves. Il s'attendait à un bordel joyeux de jeunes étudiants encadrés et moqués par les anciens. Il s'attendait à une sorte de cérémonie d'intronisation, une foule accueillante. Mais personne dans ce hall de l'unité pédagogique d'architecture. Personne que cette jeune femme en bleu ciel de la tête aux pieds qui comme lui semblait attendre... Il posa son sac ni trop près ni trop loin ne voulant pas entrer brutalement dans son espace ni paraître tout de suite comme perdu. Il décida simplement de se diriger vers l'accueil où l'on rit de bon cœur à son étonnement de ne voir personne. Il avait simplement deux jours d'avance !




























On lui donna tout de même les papiers à remplir et l'accent chantant vient lui souligner son éloignement et la réalité de sa situation ! Il rit à son tour et devant un sourire esquissé par la jeune femme en bleu, il saisit l'opportunité de rompre la distance.
Quelle surprise !
Un autre accent vint lui rappeler immédiatement des souvenirs récents. Milena était italienne et arrivait tout droit de Turin, un peu épuisée également, un peu abattue ! Elle avait aussi pris un peu d'avance... ils s'aperçurent alors tous deux que leur convocation comportait bien un léger doute de date et ils rirent ensemble de ce méfait sympathique. Mais que faire de ce temps ? Visitons l'école !
Alors rapidement, son sac sur le dos, Jean-Michel accompagna Milena dans une excursion sur le campus. Elle lui raconta son oncle opérant pour Gio Ponti à Milan et lui son père maçon qui l'emmenait sur les chantiers... Il raconta son voyage récent en Italie et elle son désir un jour de voir la grande cathédrale de Chartres. Ils avaient chaud et l'ombre fraîche du hall d'accueil de l'école d'art les rafraîchit un peu. Milena logerait en centre ville dans un studio, Jean-Michel dans une chambre meublée prêtée par un ami de la famille. Ils avaient leur journée de libre. Ils n'avaient jamais vraiment connu cette sensation, une journée de libre. Dans un chahut vocal, un petit groupe d'hurluberlus vint à leur rencontre.

éditions Tardy



















Ils se présentèrent, se firent moquer gentiment de leur erreur à tous deux. Puis, naturellement, on les invita à aller se baigner là-bas, au fond des calanques. Vous verrez l'eau est chaude. Milena s'éloigna déjà avec le groupe d'étudiants.
Jean-Michel en retrait pensa immédiatement à Antoine. Il aurait bien des choses à lui écrire ce soir. Marseille.

Le campus de Luminy et l'école d'Art et d'Architecture sont l'œuvre de René Egger, architecte.
Pour de plus amples informations sur ce beau site, reportez-vous à l'excellent "guide d'architecture, Marseille 1945-1993" aux éditions Parenthèses par Jacques Sbriglio.
isbn 2-86364-075-5

jeudi 26 juillet 2012

la honte à Vélizy-Villacoublay

J'ai honte.
Rien, ni votre mobilisation, ni le sursaut des autorités compétentes, n'aura permis de sauver l'une des œuvres majeures de l'architecture contemporaine : le Centre Thomson-Houston (Thales) de Vélizy-Villacoublay.
Faut-il chercher des responsables à cette indifférence ?
Faut-il croire que la France qui s'enorgueillit de son Patrimoine laisse disparaître dans un silence lourd des pans entiers de ce qui devrait constituer le registre futur de ce Patrimoine ?
Doit-on accuser les propriétaires de ces lieux de leur incompétence dans ce domaine ou juste se dire que finalement ils sont comme la moyenne française qui NE SAIT PAS VOIR car elle N'A PAS APPRIS A VOIR !
Doit-on encore penser que l'argent, le capital, le profit font l'histoire de l'architecture bien plus que l'intelligence d'une forme, la pensée d'un espace, la conception heureuse et humaniste d'une architecture ?
Mais c'est surtout ce silence, cette indifférence qui fait maintenant l'image de marque de la gestion de notre Patrimoine en France.
Cette absence de débat. Car, si après une réflexion commune, une discussion posée entre tous les partenaires les décisions (bonnes ou mauvaises) étaient prises au moins nous pourrions dire que nous décidons de quelque chose...
Mais on dit "politique", on dit "grosse société", on dit d'avance nos bras ballants le long du corps, notre impuissance. Ce "à quoi bon" général...
Mais quelque chose ne fonctionne pas dans les mécanismes de défense du Patrimoine, quelque chose de profond, d'interne et pour le coup de vraiment politique : comment des œuvres reconnues, publiées, parfois labelisées tombent-elles ainsi les unes après les autres ?
Comment et pourquoi ce regard ne permet-il pas de prises de décisions fortes ?
Parce qu'il n'y en a pas la volonté ?... Parce que l'éducation visuelle, artistique et architecturale est d'une pauvreté telle aujourd'hui qu'elle atteint l'ensemble de la société : le grutier qui fait tomber, le promoteur immobilier qui donne l'ordre, les autorités municipales qui ne connaissent pas leur Patrimoine... et pire parfois même les architectes qui sans remords projettent leur œuvres sur les ruines de ceux-la mêmes qui leur permettent d'exister.
Cette éducation essentielle est le nœud de la question.
Combien d'heures d'enseignement avez-vous eues au collège, au lycée sur l'architecture et l'art en général ?
Combien ?
L'inculture est généralisée, les troupes défilent en rangs serrés dans des stades dont ils ne connaissent pas le nom des concepteurs. Pire cette inculture est élevée par certains médias comme une vraie culture (on la nomme urbaine, populaire (!) et même maintenant on voit l'émergence de la culture philanthropique qui devient une nouvelle norme sociale celle qui distribue les bons points aux chanteurs et autres saltimbanques).
J'ai honte.
Mais je me bats, avec vous.
Nous sauverons le centre commercial de Ris-Orangis parce que :
C'est une œuvre vivante qui anime sa ville, sa banlieue dans une vraie dynamique des jonctions urbaines, des circulations de ses usagers.
C'est une œuvre plastique d'une grande richesse formelle, d'une puissance sculpturale originale.
C'est une œuvre brutaliste qui ne cède rien au décorum facile d'une intégration minable.
C'est une œuvre essentielle de l'un des plus pertinents architectes français, reconnu, aimé, et ayant éduqué une génération d'architectes.
C'est l'un des plus beaux dessins de bâtiments en France, dessin dont la force vient de sa netteté programmatique.
C'est un centre commercial, une œuvre quotidiennement parcourue, utilisée et utile.
C'est donc une VRAIE ŒUVRE POPULAIRE.
C'est donc bien un Monument Historique. C'est notre Patrimoine. C'est le vôtre, le nôtre.
Défendez-le.

mercredi 25 juillet 2012

la porte d'Italie

éditions Yvon



















Antoine venait d'avoir son baccalauréat dans son lycée de Chartres. Il était heureux car son goût pour les langues anciennes, le grec et le latin, lui avait permis d'obtenir une mention, ce qui réjouissait sa mère qui aimait tant la civilisation latine.
Comme promis, Antoine pourrait donc cet été aller en Italie, voyage que sa mère lui offrait pour son bac.
Mais avant l'Italie et ses promesses d'une vie moins adolescente, Antoine devait faire les démarches pour s'inscrire en Faculté de lettres à Nanterre. Avec sa mère, ils prirent donc le train pour Paris. Pour Antoine c'était bien la première fois qu'il allait ainsi dans la capitale. Sa mère lui avait bien évoqué la ville puisque c'est là qu'elle vivait avec le père d'Antoine avant le décès de ce dernier survenu trop tôt sans doute.
Mais Antoine, tout en sentant l'ombre paternelle dans ces lieux, sentait surtout une immense liberté gagner tout son corps. Inconnu, ici il pourra, croyait-il, tenter d'être totalement lui-même et tout le ravissait d'une manière naïve, celle du provincial à Paris. Le métro semblait à lui seul pour Antoine une sorte de réjouissance aiguë inédite liant réseau mécanique et liberté de mouvement. On pouvait aller partout et de manière anonyme sans risquer comme en province que la boulangère vous reconnaisse ou que le sportif du lycée vous aperçoive à la sortie de la librairie. Antoine louait le métro à sa mère tout le long du cheminement souterrain, la soûlant presque de ses Oh ! de ses Ah! qui ponctuaient ici la qualité de la motrice, là les aménagements du R.E.R. Il trouvait remarquable qu'on puisse ainsi voir des œuvres d'art dans le métro. Il acheta d'ailleurs une belle série de cartes postales à Châtelet-les-Halles non pour lui mais pour Jean-Michel son ami de Chartres qui lui, devait partir pour Marseille dans une école d'architecture.

éditions Abeilles-Cartes, Rolf Walter photographe.





éditions Yvon

















éditions Yvon







































C'était bien là le seul défaut de cette nouvelle vie. Antoine pensa que Jean-Michel serait sensible à l'Art Contemporain qui décore et embellit la vie des usagers du R.E.R. Surtout la très étrange sculpture de Ilio Signori qui symbolisait la rencontre. Les deux hommes ainsi nus et dorés choquèrent un peu sa mère mais pas Antoine qui fit remarquer que la civilisation latine contient bien d'autres choses plus surprenantes.





















Antoine et sa mère aperçurent bien un type avec un appareil photographique qui faisait des clichés des lieux. Ils le regardèrent se contorsionner pour faire ses cadrages et cela, dans une expression familiale, les fit sourire tous les deux la mère et le fils, similitude que l'on retrouvait dans le choix d'un pull à col roulé pour venir à Paris. Comment pouvaient-ils penser tous les deux que ce morceau de leur vie commune, la mère et le fils, dernier moment d'ailleurs de cette histoire finirait ainsi imprimé sur des cartes postales ?

éditions Greff


































Et devant le vide des espaces entre les bâtiments de la Faculté de Nanterre, là dans ce paysage si étranger à ce qu'ils avaient connu jusqu'alors, Antoine entendit sa mère lui dire cette chose incroyable :
"Tu devrais aller en Italie avec Jean-Michel. J'avais prévu de t'y accompagner mais cela serait sûrement plus intéressant pour toi d'y aller avec ton meilleur ami. Il verra comme toi des choses importantes pour ses études et vous devez faire vos vies. Vous m'enverrez des cartes postales."

édition Abeille-Cartes, Lyna.


















Une semaine plus tard, devant l'Académie de France à Rome, sur le muret à l'ombre des arbres, Antoine et Jean-Michel signaient au dos d'une carte postale : "Nous pensons à toi ici. Voyage superbe. Bientôt de retour."


lundi 23 juillet 2012

Meccano Berbère




















Peut-on croire vraiment l'éditeur de cette carte postale lorsqu'il donne comme titre, le Parc municipal, à son cliché ?
Je veux dire que, s'il ne fait aucun doute que Rolf (parfois Ralf) Walter qui a fait ce cliché vise bien l'espace vert devant lui, nous lui sommes gré d'y mettre au fond une construction particulièrement intéressante pour nous : la bibliothèque Elsa Triolet de Pantin.
Nous connaissons bien l'éditeur Abeilles-carte (Lyna) qui a édité un grand champ du territoire de la banlieue parisienne, nous connaissons bien Ralf (parfois Rolf !) Walter qui a ainsi parcouru cette étendue pour cadrer les paysages de cette banlieue mais nous connaissons sans doute moins ce superbe bâtiment de Messieurs Perrotet et Kalisz les architectes.














Pourquoi superbe ?
Parce que sur une trame décidée et affirmée, au moyen d'un système constructif affiché et qui fait forme, la fonction du bâtiment et ses organes sont parfaitement étudiés et dessinés au profit d'une architecture franche et mécanique sans effet autre que lui-même.
Cette franchise est finalement assez proche (à une tout autre échelle) que celle du Centre Pompidou. Une carcasse qui s'exprime, une mécanique lisible par tous, un ordonnancement des espaces à la fois clair et libre, une intégration par l'opposition si j'ose dire !
C'est une sorte de cabane sophistiquée qui se voudrait à la fois légère et sérieuse mais aussi un rien foraine, presque mobile : une sorte Meccano berbère.
Regardez comme la cheminée en inox est visible, comme la trame des poutrelles est lisible et accroche presque littéralement le bâtiment par le haut !
Mais pour être plus précis et nous rapprocher un peu plus de cet objet étonnant, je vous donne à voir quelques extraits de la revue techniques et Architectures de février 1973.
Mais avant vous irez signer la pétition pour la sauvegarde de l'école d'architecture de Nanterre, œuvre menacée de Jacques Kalisz:
http://www.mesopinions.com/petition/art-culture/sauvegarde-ecole-architecture-nanterre-defense-paris/1389?signature-list=true










samedi 21 juillet 2012

Liberté du pouvoir d'achat

On sait que l'architecture des centres commerciaux est, dans une grande mesure, une catastrophe. Les centres commerciaux sont de véritables "machines à acheter" et j'oserais dire pour la gestion des parcours intérieurs des "machines à voler" puisque tout y est organisé pour que vous circuliez d'abord par ce dont vous avez le moins besoin et le plus cher vers ce qui est le plus quotidien et le moins cher, du moins ce qui dégage le moins de marge pour nos amis de la grande distribution.
Fermez les yeux et pensez à l'entrée de votre supermarché. Je parie qu'à droite juste là le rayon téléviseurs à écrans plats et le manège à bijoux moches sont votre première image... Au fond du magasin, comme perdu dans une grotte introuvable, tout en bas d'un rayon, le kilo de farine premier prix vous attend si vous savez le trouver...
On comprend pourquoi je suis si attaché aux centres commerciaux de Claude Parent qui sont la preuve qu'il était possible de faire avec cet objet un travail remarquable.
Regardons avec deux cartes postales comment dans nos paysages parfois s'installent ces monstres de l'échange et du flux, ces nœuds sociaux du rituel de l'achat.
D'abord près de chez moi, ce qui fut pendant quelques années une sorte de Saint Graal à notre enfance : le centre commercial de Barentin.



















La carte postale "La Cigogne" nous montre ce qu'elle appelle le Centre commercial de Mensil-Roux dont l'essentiel est un Carrefour. Enfants, nos parents nous emmenaient là et c'était une sorte de fête moderne, de jubilation seventies de la découverte de ce genre d'énormes espaces commerciaux. Le must étant de manger à la Cafétéria dont la seule prononciation nous faisait rêver à un mélange de feuilleton américain et l'an 2000. C'est là que nous achetions, pour la première fois, nos céréales pour le petit déjeuner. La Renault break garée, nous courions, sautions tels de joyeux petits cabris prêts à être dévorés sans retenue par le loup commercial sachant faire briller l'inutile. Nous étions déjà cuits...
Venir là était bien une expédition, il fallait prendre l'autoroute comme pour aller à la mer... Et sur le parking une star, une vedette, nous attendait déjà. La statue de la Liberté, celle-la même qui avait servi dans le film "le cerveau" avec Bourvil et Belmondo, film que nous adorions mêlant drôlerie aventureuse et gaudriole franchouillarde. J'ai encore la chanson du film dans la tête. A chaque passage du film à la télé, il y en avait bien un parmi nous pour dire "c'est la statue de Barentin" en rêvant sans doute que cela déclenche l'envie d'y aller faire un tour chez l'un de nos parents.


























La carte postale nous dit bien le nœud et le piège urbain. Au premier plan, le réseau routier qui va desservir le centre commercial accroché comme un ganglion au réseau autoroutier, grand axe Paris, Rouen, mer. Il y a fort à parier qu'une partie de ce réseau fut payée par la société même du centre commercial. Puis, il faut un signe de reconnaissance, quelque chose qui vous installe un souvenir indélébile, qui fasse image. La Statue de la Liberté c'est parfait ! Tout y est comme ramassé : le rêve américain, la modernité, la référence populaire au film, et... la liberté dont ici on voit à quoi elle est réduite, choisir entre un poste télé Brandt ou un Radiola couleur. Regardez comme la statue est posée sur un monticule. N'oublions pas que dans le film, cette statue de la Liberté est bourrée de Dollars volés par le Cerveau ! (ze brainne !)



Puis vient le parking nu et ses autos et enfin la surface commerciale plate dont la seule attention au paysage est sa couverture vaguement noire pour sans doute évoquer les toits traditionnels. Au fond encore existant, le paysage d'origine déjà bien remembré mais encore campagnard dans lequel Guy de Maupassant pourrait bien se promener.
Ailleurs et inconnu :



















Cette carte postale du centre commercial Créteil Soleil (sic!) a des qualités étonnantes pour nous. d'abord bien évidemment l'objet urbain représenté avec ce centre commercial vu d'avion et qui s'inscrit dans l'incroyable paysage de la ville moderne de Créteil dans lequel nous allons reconnaître bien des architectures que nous aimons. Mais avant de poursuivre de ce côté-là, il faut retourner la carte postale qui apparaît alors comme une carte de promotion pour le centre commercial Créteil Soleil :




















les soldes d'été ! On remarque que la carte n'avait au fond aucune vocation postale puisque le timbre est imprimé dans le ton de l'ensemble mais singe la carte postale de vacances et s'amuse de la pratique en faisant de la promotion un acte proche d'un lien social : la carte postale d'été.
Mais au-delà de l'objet promotionel, on remarque un centre commercial absolument incroyable pour ce qui est du traitement de sa couverture, de son toit qui sert de parking.























































Là, sur cette étendue, des volumes géométriques forts sont peints avec une polychromie superbe formant un paysage vraiment surprenant. Je n'ai malheureusement aucune information sur ce projet, sur le peintre, sur le traitement de ce toit comme un jardin minéral. Mais l'attention est évidente, la recherche, même si elle reste formelle et décorative, fonctionne bien dans cet espace nouveau de Créteil. Il fabrique un nouvel ordre spatial, il ordonne une utilité qui pourrait (aurait pu) faire école : l'invention de nouvelles places urbaines. J'aime le détail de la très longue rampe qui fait monter les automobiles. Malheureusement le parking au pied du centre commercial reste un lieu vide dont seuls les automobiles forment une variation... trop pauvre. Pourquoi cet effort sur l'architecture ne gagne-t-il pas le sol ? Si quelqu'un pouvait nous dire quel peintre, quel artiste a réalisé ce travail sur le centre commercial Créteil Soleil, cela serait bien de lui rendre justice. Pierre Dufau semble sans trop d'erreur l'architecte de ce centre commercial mais il ne fait pas de doute qu'il a dû travailler avec un plasticien pour la réalisation des polychromies.
Et j'aime ce paysage. Regardons ce que nous connaissons déjà de Créteil :

la Pernoderie de Mr Willerval, architecte.

les "choux" de Mr Grandval

la préfecture par Mr Badani, architecte.




jeudi 19 juillet 2012

Drancy Hard

Certainement parce que plongé dans le passionnant Reconstruction Déconstruction de Bruno Vayssière (Merci Didier Mouchel), je m'égare à nouveau dans le paquet "Hard French" et "chemin de grue" de ma collection, se regroupent presque toutes seules trois cartes postales de Drancy.
Regardons ce qu'elles nous disent :




















Cette vue générale de la Cité Paul-Eluard, du groupe scolaire Roger Salengro, de la Cité Gaston Roulaud et enfin de la tour Fernand Péna est une édition Mage. Une image presque une icône de cet typologie urbaine française. Marcel Lods est l'un des architectes de cet ensemble. Ne faisons pas semblant. C'est hard. Devons-nous pour autant regarder cela sur une chaine cryptée ?
N'oublions pas que, les images, toutes les images, ne sont que des images et les excitations ou les déceptions prises à leurs observations ne vaudront jamais l'expérience de les vivre.
J'aime l'œuvre de Marcel Lods. J'aime sa profonde rigueur. Mais l'addition des volontés de bonheur ne produisent pas forcément les images du bonheur. ici nous pourrions au moins voir les espaces intersticiels, la rupture avec un urbanisme de place et d'avenue ordonnant un point de vue. Nous pourrions aimer cet espace public ouvert que seule la gestion (ou son absence) des automobiles vient contrarier. les autos devraient toujours être considérées comme une pièce supplémentaire du logement et à ce titre aujourd'hui produire une architecture qui, au lieu de l'oublier et au mieux de la cacher devrait l'intégrer comme une autre dimension du logement : un patio mobile !
Nous pourrions également depuis cette hauteur de l'image se réjouir des proximités des lieux publics. Nous pourrions aimer les parcs et les jardins. Nous pourrions.
Descendons un peu :



















La Cité Paul-Vaillant-Couturier est vue depuis le sol un rien rèche de son aire de jeu un rien pauvre et brutale. Les genoux écorchés aux descentes des balançoires, les pains au chocolat offerts pour calmer les cris des bambins ainsi égratignés, tout cela sans doute est de la faute des architectes. Mais la nounou est là, les deux fillettes s'amusent  au pied de l'implaccable barre. C'est une belle architecture et sévère aussi.
On devine les plaisirs des glissements dans les tuyaux de béton. On devine comment cela répond aux déambulations dans les couloirs des appartements. On s'interroge de l'apprentissage des espaces et des volumes par des jeunes enfants passant ainsi de l'aire ludique à l'aire public et commun. Ce qui se libère là sous les cheminements des tubes et ce qui est retenu dans les cages d'escaliers ! Les cris possibles, les chaussures sales et un espaces ou la géométrie n'ordonne rien d'autre que l'imagination. Si l'un avait pu être le prolongement de l'autre, si l'un avait pu être le refuge de l'autre c'est certain, nous aurions la plus belle des architectures.
Plusieurs vues :


















La carte postale le dit tout haut sur fond vert et orange : le nouveau centre ville.
En trois images, effectivement nous voyons (un peu difficilement) l'une des opérations les plus remarquables de renouvellement urbain en France.
La carte postale des éditions Mage nous donne les informations suivantes : Place Maurice Thorez par Mr Coulon paysagiste, le Centre administratif par G. Maurios et la rénovation du centre ville par O. Girard (et Edith Girard en fait, oubliée par l'éditeur !)
Il ne fait aucun doute qu'une attention particulière a été donné à une recherche volumétrique puissante et sculpturale qui s'exprime dans un modelage des façades spectaculaire. Cela n'est pas sans me faire penser à un paysage de la ville du Mans lui aussi tout à fait remarquable de ce point de vue. Je vous ferais un jour un article sur ce lieu étonnant !
Mais revenons à Drancy.
La carte postale n'est pas datée et il est difficile vu son graphisme de lui donner une période précise. Mais Architecture d'Aujourd'hui (décidément !) nous sauve la mise. On trouve en effet un long article sur le projet non encore réalisé avec un texte d'Olivier Girard que je qualifierais de poétique tant ma difficulté à en saisir l'essentiel démontre mes méconnaissances et mon plaisir à l'abstraction ! L'article de la revue date d'octobre 1981 donc la carte postale est postérieure.

G. Maurios, architecte

Olivier et Edith Girard, architectes

Edith et Oliver Girard, architectes