mercredi 28 novembre 2012

L'arlésienne royannaise

Vous le savez je suis en pleine préparation de l'exposition de mes cartes postales sur Royan qui aura lieu au mois d'avril 2013 suite à notre résidence du Comité de Vigilance Brutaliste avec Thomas Dussaix.
Depuis quelques jours, j'affronte deux difficultés majeures : trouver la correspondance en gouache du jaune typique de Royan et... retrouver une carte postale inédite d'un lieu disparu à Royan. J'avais entrepris de reprendre l'ensemble de mes classeurs, l'ensemble de mes boîtes (plus de 7000 cartes !) en vain... La carte postale se refusait à moi.
Ce que cette expérience de perte révèle c'est la capacité du cerveau à garder en mémoire une image et non le lieu de son rangement ! Pourquoi autant de précisions mentales sur l'image que j'aurais pu vous décrire dans les menus détails et par contre cette difficulté pour le même organe à me dire le lieu où j'ai rangé cette image !
Etrange...
Mais...
Ce matin, l'esprit clair, j'entreprends de nouvelles fouilles archéologiques dans l'ensemble de mes placards. Rien. Puis, alors même que l'abandon commence à me gagner, je trouve contre ma bibliothèque un vieil album de cartes plein non pas de la seule carte de Royan qui me manquait mais d'une dizaine d'autres !
Je dois un cierge à Saint-Antoine de Padoue !
Comme il s'agit d'une victoire sur la perte je vous en fais profiter :



Nous sommes devant le bar du bac à Royan donc, ouvert toute l'année comme c'est précisé. L'édition Théojac nous pose devant ce très beau petit bâtiment qui ne manque vraiment pas de qualité. Regardez la gestion de l'entrée qui creuse un espace abrité sous l'auvent supporté par des pilotis graciles.



Regardez comment le profil en aile d'avion du bar vient dessiner une grande baie vitrée faisant de la montée et de la descente du bac un spectacle. On devine un beau rouge vif peint sous l'auvent qui se poursuit le long de la façade. Non, je le concède, rien d'extravagant dans cette petite construction mais toute l'attention d'un architecte (inconnu) qui aura fait une œuvre modeste certes mais qui ne démérite pas.



Les deux messieurs à casquette blanche (pilotes du bac ?) m'ont toujours fait penser aux forains dans "Les Demoiselles de Rochefort" de Jacques Demy. On a l'impression que les sœurs jumelles vont venir manger des frites faites par leur mère qui ne voulait pas s'appeler Madame Dame.
Miracle de la nostalgie, je découvre que cette carte postale me fut personnellement adressée par ma grand-mère en 1976... Et excusez-moi mais cela fait de cette carte postale bien plus qu'une fenêtre sur l'architecture une bulle superbe sur mon enfance.



lundi 26 novembre 2012

Haïku, Noguchi, Claude.

Dans la fraîcheur du sous-sol, en pleine recherche d'une carte postale de Royan disparue, je retrouve cette très belle et idiotement oubliée carte postale envoyée par Claude.



La carte postale Yvon donne la part belle à cette superbe réalisation de Noguchi qui sait jouer et discuter avec l'architecture de l'UNESCO.
On s'étonnera de ne pas être gêné finalement par le noir et blanc qui semblent bien, tous deux, dire surtout les qualités graphiques de la réalisation de Noguchi. La carte postale envoyée en 2002 (eh oui Claude !) est bien évidemment antérieure à cette date.

" l'horizon me coupe en deux, le soleil est à deux centimètres au-dessus, la campagne est éclairée "

Ce haïku est de Claude et il fait le texte de la correspondance et la beauté de cet envoi.
Rien à ajouter ni à retrancher que ce soit pour la carte postale ou pour ce texte.
A part, pour le plaisir, des détails :
merci Claude.









dimanche 25 novembre 2012

Le Corbusier : trois photographes

Trois cartes postales qui vont nous permettre encore d'interroger les points de vue de photographes sur l'œuvre de Le Corbusier.
On commence avec Eveux et son couvent des dominicains :


La carte postale fut expédiée en 1960 par Guy pour les vœux de l'année 1961. Il indique aussi qu'il y a séjourné pour se reposer et qu'il a beaucoup apprécié le lieu. On est heureux pour lui.
La photographie nous donne à voir un espace vide seulement scandé par les ombres et les lumières produites par le pan de verre à gauche, dont le dessin est de Iannis Xenakis. 


Toute la puissance plastique de cette photographie de Monsieur  A. Caillon est construite sur cette lumière totalement structurée et composée par ce travail. Les fins observateurs auront remarqué que le lieu n'est pas terminé car à droite de l'image il est encore ouvert.


 L'image pourrait ainsi dans le vide de ce lieu le faire apparaitre un rien fruste et sévère. Mais c'est bien un couvent... La beauté doit être perçue comme un don difficile mais solide dû à une jubilation de peu, un engouement des simplicités. La référence à l'art roman est pour moi dans ce type d'images une évidence et sa brutalité aussi.
Retrouvons Lucien Hervé :


Cette carte postale des éditions de la Société Immobilière Notre-Dame du Haut est bien une photographie du célèbre Lucien Hervé. Elle porte l'étrange et mystérieuse référence E. III. 184 dont il est bien difficile de décrypter le sens...
Très bas sur le sol, depuis la pyramide dont on devine les gradins à droite Lucien Hervé cadre franchement la Chapelle de Le Corbusier sans trop d'effets ni d'ombres ni de cadrage. Rien vraiment ne permet en voyant cette image rapidement de faire tomber la photographie dans un sens plus artistique ou plus original qu'une carte postale d'un autre photographe. Sans doute que seule cette "morsure" du premier plan par les gradins vient contrecarrer cette impression. Pourquoi diable n'avoir pas fait un pas de côté pour éviter cette intrusion ? Simplement parce qu'elle est volontaire... Répondant aux fragments géométriques de l'autel extérieur, les gradins dialoguent avec cet agencement en faisant un écho mais aussi, Lucien Hervé sans aucun doute se place là, assis sur ces marches comme n'importe quel pélerin et délivre ainsi une image juste, celle non pas d'un artiste composant son image pour, en quelque sorte s'approprier le lieu, mais laisse ce dernier jouer son rôle, être à l'exact de l'échelle de sa fonction. Vu les ombres, le soleil est haut, nous ne sommes pas loin de midi.
Entrons :


On retrouve le photographe Marcel Blanc avec cette carte postale de l'intérieur de la Chapelle de Ronchamp. L'édition est la même que celle de Lucien Hervé ce qui confirme que la Société Immobilière a bien fait travailler et éditer des images de plusieurs photographes pour les diffuser. Comment furent-ils choisis ? Par Le Corbusier lui-même, désireux de tenir en confiance l'image de son architecture ? Si cela est bien possible avec Lucien Hervé comment le savoir pour Maurice Blanc ? Et surtout, comment Corbu pouvait-il maîtriser ainsi les choix de photographes pour l'édition de cartes postales ?
Mais revenons à cette photographie. Le point de vue est assez rare car nous tournons le dos à l'autel pour regarder vers le confessionnal. Maurice Blanc fait descendre dans son image la courbe du toit au tiers de celle-ci en laissant franchement onduler la ligne de raccord entre les murs et ce ciel de béton presque noir. L'étagement des bancs permet également de saisir un sol en pente et nous donne à réfléchir sur le vide qui semble immense entre ces bancs et le mur de droite. Pourquoi ce vide ?
Le crépi du mur est sensible, la lumière pourtant dure arrivant à droite n'arrive pas à le gommer. Là aussi l'austérité encore accentuée par le noir et blanc donne à l'ensemble une image sévère dont la jubilation proviendrait d'un recueillement, d'une attention délicate aux détails des matériaux, des formes et des jeux d'espaces. Aucune place dans cette photographie comme dans les deux autres à ceux qui utilisent, visitent, font vibrer ces lieux de leur présence. Aucun visiteur ne viendra donner l'échelle, faire de son corps l'objet même de toutes les attentions de l'architecte sauf peut-être avec Lucien Hervé le corps même du photographe révélé par son cadrage, la hauteur de son œil. Est-ce suffisant pour défendre et raconter une architecture ?
Je n'en suis pas certain. Mais ce vide qui fait l'essence même d'une école photographique germanique contemporaine est souvent au service bien plus d'un espace que d'une humanité. Le silence y est vénéré comme une présence. C'est bien là le paradoxe de l'objectivité.

mardi 20 novembre 2012

Jean Prouvé à Royan : une conférence.




Hier soir nous avons assisté à une conférence sur Jean Prouvé à Royan.
Au-delà des difficultés inhérentes au genre ne permettant pas toujours d'aller droit au but et de nous parler effectivement de Jean Prouvé à Royan mais bien plus de la personnalité touchante de ce grand nom de l'architecture, nous avons tout de même pu saisir quelques très petits éclairages sur sa présence dans la plus belle ville du Monde.
On doit surtout s'attacher dans ce cas à la présence de Catherine Prouvé qui a su, elle, nous communiquer avec passion, sérieux et évidemment la tendresse d'une fille pour son père les joies et difficultés de Jean Prouvé dans sa carrière.
Nous avons pu aussi tardivement et trop succinctement découvrir des documents de l'architecte, documents qui sont des trésors qui auraient mérité un travail sérieux d'analyses et de décryptages. Je vous propose de voir quelques images (mauvaises) prises pendant cette conférence.







On y aura appris que Jean Prouvé avait dessiné un front de mer pour Royan qui finalement n'aura pas été choisi. Mais il avait aussi semble-t-il proposé un type de maison différent du prototype 8x12 construit lui en bord de mer pour en tester la résistance.



 Nous ne savons rien de ce choix, rien de la localisation de la maison et de son histoire... Dommage. Rien non plus sur les qualités constructives de ces maisons.
Nous aurons appris que Jean prouvé avait travaillé en 1936 pour la Poste avec Monsieur Ursault... Il aurait fallu développer un peu.
Il faudra, et cela est maintenant une évidence, permettre un vrai travail autour de cette production de Jean Prouvé à Royan. Une exposition de ces documents, une analyse par un spécialiste, une publication viendront certainement (vu l'importance de ce qui émerge maintenant ) révéler au public cet héritage primordial.


dimanche 18 novembre 2012

Internationale class affaire


Barry Lewitt




















Sue Lewitt-Astair



















Edmond Lichtenstein





















Miranda Lichtenstein-Partners




















Barry, Edmond, Miranda et Sue cherchaient depuis longtemps un endroit chaleureux et chic pour se retrouver et pratiquer les voies d'un épanouissement de groupe.
Les deux couples s'étaient découverts plein de points communs au beau milieu d'un après-midi chaud sur la Piazza Navona à Rome.
Barry, avocat d'affaire à la Kubrick' s Corp spécialisée dans le marché de l'art contemporain européen venait en quelque sorte faire ses courses et avait emmené Sue dans les dédales de la vie de Bohème italienne. Miranda, épouse modèle mais aussi décoratrice d'intérieur et de cinéma avait réussi à traîner en Europe Edmond, spécialiste du courtage sur les marchés des céréales aux U.S.A.
Edmond aimait à voir et entendre Miranda lui chanter les merveilles de l'Art du vieux continent mais aimait aussi beaucoup ces moments de grande tranquillité aux terrasses ombragées et silencieuses des tavernes italiennes.
C'est bien là que les deux couples se trouvèrent.
Rapidement la conversation s'engagea sur les souvenirs de voyages en Europe et Sue et Miranda aimaient aussi se donner leurs bonnes adresses de couturiers et de chapeliers à Venise et comment il était difficile parfois d'emmener leurs hommes dans les boutiques cachées au fond des cours.



Le Palmer House de Chicago offrait le calme et la classe nécessaire à ces quatre amis de retour sur les terres américaines. Alors que la trompette fatiguée de Miles Davis agissait comme un tapis sonore profond et langoureux, tous jouaient bien leur rôle en attendant le vrai moment qui les réunissait ici. Ils avaient ensemble appris à aimer cela et s'étaient étonnés eux-mêmes de la simplicité avec laquelle ils avaient découvert ces pratiques et ces sensations. Ils choisissaient ainsi de se retrouver le plus souvent possible selon les lieux de leurs errances d'affaires ou de tourisme.
Edmond devait en effet créer un cabinet dans cette ville de Chicago et chercher un lieu simple et confortable lui permettant de recevoir ses amis.




Au Québec, il venait d'ailleurs de créer un bureau de ce genre et il racontait avec vives impulsions les méandres de ce pays étrange où l'on pouvait parler français.



Dans l'hôtel Lœws Concorde, Edmond et Miranda avaient trouvé eux aussi ce sens simple d'une vie réglée par les horaires d'avions, les locations de limousine, les numéros de téléphone des coachs sportifs.

En réponse à cette expérience, Barry et Sue répliquèrent par la qualité des services du Holiday Inn de de Los Angeles à Hollywood qui servait de base de retrait à Barry pour voir les artistes de son pool.
Discrétion, propreté, amabilité et cuisine française fine faisaient de ce lieu une expérience unique.



Tout cela avait disparu une nuit de 1982.
Le Boing 747 de la Pan Am qui emmenait les quatre amis vers Berlin pour un séjour plein d'échanges et aux frissons garantis par la proximité du bloc communiste s'écrasa dans l'océan atlantique.
Au Palmer House, dans le réfrigérateur, une bouteille de Champagne attendra au frais mais en vain le retour des deux couples.



samedi 17 novembre 2012

Alger Montrouge

Deux cartes postales pour retrouver le très beau travail de Fernand Pouillon.
On verra que les images ne donnent pas toute la mesure des détails, des raffinements d'espaces de l'architecture de Monsieur Pouillon. Pourtant c'est bien par des images de ce type que nous pouvons aussi aimer et lire une architecture délicate, habile sur les perceptions et puissante sur sa noblesse.



Nous sommes à Alger au pied d'une tour de la Cité Diar El Mahçoul grâce à une édition Jomone. On est d'abord saisi par l'élan de la construction qui semble monter vers le ciel. Puis l'œil est pris par le traitement du mur qui monte jusqu'au balcon de bois accroché comme une sorte de broche précieuse sur  ce volume en apportant une citation à l'architecture locale en ayant la franchise brutale de ne pas faire décor.






La volumétrie, les matériaux comme toujours chez Pouillon sont ses moyens de produire une architecture volontairement noble et ambitieuse sans les effets de pastiche et des errements du post-modernisme. En fait, toujours chez Pouillon sa culture forme son classicisme. On notera là encore la grande qualité éditoriale de cette carte postale.



La rigueur est ici localisée à Montrouge dans la résidence du Fort. Le photographe des éditions Abeilles-Cartes pour Lyna est pris au piège génial de l'accentuation des perspectives que Pouillon grand amateur et éditeur d'Androuet du Cerceau connaît parfaitement : les lignes de fuite allongées par le jeu de différenciation et de rupture dans le dessin de la façade ! On voit comment un architecte sait les qualités de la Perspective, sait l'utiliser sans la considérer comme une ignominie culturelle, un errement de nos sens.
Comme un bâtiment posé sur un autre, la ligne du balcon perpétue à l'infini la ligne de contact et allège ainsi la masse sans la renier.
Une fois encore, le traitement des matériaux, la qualité des espaces ouverts ou fermés, leur alternance, font de cette résidence un exemple de maîtrise des "sentiments" de l'espace.
On s'attachera étrangement sur cette carte postale aux deux seuls points de couleur de cette façade :





Pour ceux qui ne connaissent pas encore l'œuvre de Fernand Pouillon, pour ceux qui veulent en savoir plus, il existe ce toujours très précis site internet.

mercredi 14 novembre 2012

Les dons de Rose...

Rose Mansion est une jeune artiste qui, lorsqu'elle ne dessine pas admirablement, ne grave pas avec une finesse superbe, n'aboie pas sur le public en faisant une chienne merveilleuse, nous régale de gâteaux faits maison et décorés avec un luxe pictural à grands effets.
Bref, Rose est une artiste accomplie. En plus, elle se souvient de son enseignant de gravure un rien maniaque et collectionneur de cartes postales. Elle a déjà fait un don à sa collection mais voici qu'elle laisse à nouveau dans mes mains un petit colis ravissant (à son image) fait d'un papier délicat et d'un autocollant floral provenant de son voyage en Russie.
Regardons ensemble ce petit rassemblement d'images :



Oui, cette carte postale est un peu abîmée, oui elle ne montre pas vraiment d'architecture moderne et contemporaine mais cette carte postale de Cherbourg parle des parapluies, elle parle de Jacques Demy. Cette carte postale dit bien que Rose connaît mes goûts pour ce réalisateur et d'ailleurs cette fragilité, cette naïveté tendre du dessin des parapluies et ce cadeau sont bien à l'image de Jacques Demy et cela aurait pu suffire à mon contentement.
Mais...



Rose m'offre aussi cette carte postale du marché de Royan, exacte copie de celle que je vous ai présentée ici. Alors, je le redis, ce n'est pas grave d'avoir une carte postale en double dans une collection car une seule des deux me fut offerte par Rose. C'est la plus précieuse et la plus vraie.
Regardez comme Rose sait choisir :



Cette carte postale nous montre le tunnel sous Fourvière à Lyon. Le génie civil aussi sait être beau, brutal et digne d'une carte postale ici aux éditions La Cigogne. J'agrandis cette image :



Admirable non ? La DS Citroën et même le lampadaire disent la modernité d'une époque.
Et là ?



Liverpool 70 !
La spectaculaire Cathédrale de Liverpool dans une édition " English Counties Periodicals".
On aimera cette couronne d'épines en béton au allure de centrale nucléaire, de manège ferroviaire, de silo à grain. On remarque aussi que l'église est encore en chantier sur cette image toute de bleu et de gris.
Pour finir une chose un rien mystérieuse :



Ce bâtiment extra-plat qui pourrait bien se faire passer pour une œuvre de Mies van der Rohe est une construction dont je ne peux vous dire que peu de choses.
Au dos figurent les éléments suivants : Le cœur ouvert sur le Monde. Huy. Belgique.
Fondateur : R.P Pire, prix Nobel de la Paix.
Rien sur l'architecture, rien sur l'architecte.
Pourtant vu d'ici, cela pourrait bien être un beau bâtiment non ?
Et puis le cœur ouvert sur le Monde c'est bien là, il me semble, une belle manière de définir Rose.
Merci Rose.

lundi 12 novembre 2012

Le lièvre et la tortue

On va voir que les fables peuvent parfois prendre forme architecturale en suivant deux réalisations d'un architecte français, Monsieur Zehrfuss, qui a su faire du béton un matériau incroyablement poétique et parfaitement... insoutenable.
Une poésie insoutenable c'est sans doute cela une fable.
Commençons par la tortue :



Cette très incroyable carte postale nous donne à voir une maquette du C.N.I.T de Paris la Défense. L'image totalement construite sur cette maquette collée devant un fond paysager est assez sidérante mais aussi très proche de la réalisation finale. Sauf, je crois, pour ce qui est de la volée d'escaliers au premier plan. On notera que le Centre National des Industries et Techniques semble un rien enterré ce qui d'ailleurs est une prémonition de son état actuel...
La carte postale est une édition publicitaire imitant une vraie carte postale jusqu'au détail de la typo qui donne l'illusion d'une écriture manuelle. En photographie véritable, le cliché est dû à Smeesters. Je vous donne le verso et peut-être que quelqu'un nous retrouvera Mr Gautier, ingénieur-conseil à Méré !



La carte est précise, donne les noms des architectes : Camelot, De Mailly, Zehrfuss. Il s'agit donc d'une publicité pour Nelsonite 35.
Ce C.N.I.T reste une merveille technique et plastique, sans doute l'une des plus beaux et audacieux de Paris au siècle dernier. Trois points d'appui c'est tout. Trois.
La tension est palpable, l'équilibre génial, la masse énorme à peine sensible : une coquille bien plus qu'une carapace. Une tortue fragile presque mais sans doute aussi un peu trop remplie aujourd'hui, un peu trop enterrée aussi.



On regardera avec humour le dessin de la Tour Eiffel au fond de l'image. Nous ne savons rien de cette maquette, si elle fut celle des architectes ou bien une réalisation plus tardive ou encore purement publicitaire. Nous ne pouvons même pas déterminer sa véritable taille et échelle !
Le lièvre :



Il fallait sans doute aller vite et pour pas cher. Il fallait croire qu'une ligne sur l'horizon ajoutait un horizon et non une clôture. Pourtant le Haut du Lièvre à Nancy est bien au-delà de son aspect infini, une hérésie superbe.
Le hard french total, sa définition même qui a fait du chemin de grue une forme absolue.
J'aime ça mais comme je l'ai déjà dit j'aime cela comme on aime les curiosités inattendues et monstrueuses de la géologie. La ligne ainsi marquée pourrait après tout être la forme ultime, celle vénérée et rêvée par Superstudio. Claude Parent aime à dire que d'une manière paradoxale ce qu'il aime le plus c'est un mur dans la nature et que, en même temps c'est précisément ce qui le gêne le plus. C'est bien là la poésie du Haut du Lièvre : un geste brutal, effrayant, grandiose. A la fois le plus beau parce qu'il dit tout du désir et le plus laid parce qu'il est assouvi.
Il paraît qu'en bas, à ses pieds, une maison de Jean Prouvé a trouvé sa place. On comprendra bien que la France, que l'architecture et les territoires devaient choisir entre deux de ces modèles. Qu'aurions-nous dit d'un étalement pavillonnaire, même de pavillons de Prouvé ?
Alors si l'on doit raser le Haut du Lièvre qu'on ne lui laisse, s'il vous plaît, aucun répit. Que cela soit brutal, guerrier, définitif. Une apocalypse joyeuse, sensationnelle et bruyante. Qu'on retourne sa terre, qu'on broie ses gravats, qu'on efface sa trace. Resteront les images sans danger, les noirs et blancs imprimés et quelques souvenirs durs ou heureux de l'un des gestes architecturaux les plus beaux. Comme une erreur surréaliste : mystérieuse à notre entendement.
Merci Monsieur Zehrfuss. Merci.
La carte postale est une édition Photo Aérienne et Industrielle par Gérard. On notera, sans doute dans un désir de troubler les pistes que l'éditeur indique Mancy au lieu de Nancy...
Les actes manqués, je vous dis...




dimanche 11 novembre 2012

Que de Wien...

Passons par l'Autriche avec deux œuvres extrêmement différentes tant par leur programme que par leur esthétique. Et vraiment c'est très très différent !
On verra sans doute que je choisis sans vergogne l'une plutôt que l'autre.
Mais je reconnais à ces deux architectures une véritable force d'attraction et une vraie réalité plastique.
On commence avec la plus étrange :



La carte postale Rau-Color nous dit bien tout : Hundertwasser-Haus ! Il s'agit bien d'une architecture de cet architecte fantasque, écologiste, utopiste et humaniste. Un rien buccolique aussi dont la naïveté du programme architectural, son petit bonheur de faïence et de couleurs vives, n'arrivent pas à me séduire. Changer la vie passe sans doute en architecture par autre chose qu'un espace ici anarchique (et non anarchiste) une liberté de couleurs et des références amusées à un art populaire qui mérite mieux que la pacotille de bazar d'une boîte à bijoux de jeune fille. Enfin, comme finalement tous les architectes décorateurs aux références d'images (bien plus que d'espace) ils ont le mérite de faire des images dans lesquelles on habite (se reconnaît) en attendant d'y vivre...
On préférera Gaudí ou mieux encore la vraie architecture sans architecte donc sans fierté d'image de marque. Cette image d'ailleurs ici est due au photographe Karl Schiefer.
Autre chose :



Cette belle architecture qui ne laisse vraiment aucune place à un imaginaire suranné est celle de l'ONU à Wien donc. L'architecte Johann Staber construit une volumétrie puissante, sculpturale et qui fonctionne par une déclinaison du tripode triangulaire courbé. La masse joue de ses pleins et aussi des vides ici mis en relation les uns avec les autres par des jeux très subtils (oui absolument) de circulations et de percées. La couleur orange vient révéler à cette construction un sens technique et souligner des affectations particulières.
Ici la nature en référence c'est l'homme dans un paysage construit par son architecture. C'est une forme de topographie émergente qui dans son échelle dit sa puissance, sa solidité. On aime y circuler comme on pourrait aimer une visite troglodyte dans une montagne de rocher. On ne décore pas en singeant un modèle, on reconstruit le modèle.
On notera qu'il s'agit du même éditeur qui ainsi démontre bien qu'il sait partager tous les types d'architectures de sa ville.