mercredi 17 octobre 2012

Argenteuil, sol, air.



















Personne cette fois.
Les forains ont dû reprendre la route laissant la place du marché de la cité Joliot-Curie à Argenteuil complètement vide.
Pourtant traîne encore un photographe. Il a attendu ce moment précis, sans personne, pour faire son cliché pour les éditions Abeilles-Cartes. Pourquoi ce besoin de vide ? A-t-il voulu ainsi souligner l'architecture étonnante de ce marché que nous avions découvert bien animé et coloré ? Voulait-il dire à quel point, nichées au milieu du Hard French, se trouvent parfois des petites audaces architecturales qui en animent la froide et belle rigueur ?
Comme si, pour contre-balancer la poésie de l'angle droit il fallait jouer d'une débauche de formes surprenantes et faire le spectacle, l'événement qui dira que là, ici, se joue une urbanité plus sensible ?
Mais l'image est belle, l'architecture aussi. Le photographe couvre le bleu du ciel pourtant si prisé des cartes postales par le toit de la promenade. Son ombre découpe le sol sur lequel d'étranges petits volumes de béton se posent.









Mais le parachute de béton, forme commune et aimée de l'époque comme un subconscient encore du débarquement et de la Libération, le parachute donc n'a pas réussi comme à Royan à se poser directement sur le sol. Il s'appuie sur des volumes blancs qui contrastent avec la barre au fond de l'image.









Les habitants des étages ont donc cet objet architectural comme objet de visée. Et ils entendent certainement au matin, très tôt, le brouhaha des forains qui arrivent, les bip bip des marches arrière des camions. Ils râlent un peu car ils auraient bien dormi plus longtemps... Mais à 13h lorsque ce brouhaha signe la fin du marché, ils se dépêchent de descendre pour acheter vite fruits et légumes.
Pour le moment, il est seul le photographe. Seul.

Un bruit épouvantable.
Difficile de parler, de s'entendre.
"J'appuie un peu sur ma gauche........ gauche..... là..... regarde....."
"Non, non, appuie sur ta gau....... gauche... je te dis..... là.... c'est ça..."
Le vent soulève la carte sur les genoux de Monique François. Elle a du mal à entendre le pilote avec le hublot ouvert.
"Tu peux repasser.... re... pa.... sser...?"
"quoi ?.... passer où ?"
"Repasser, refaire un tour.... je voudrais faire encore quelques clichés."
Le pilote exécute la manœuvre au-dessus d'Argenteuil et de la Z.U.P.
"Oui, c'est bon.... bon.... je dis.... c'est....."
Fermant d'un coup sec le cockpit, Monique François pose son appareil photo sur ses genoux et enfin peut parler plus normalement avec le pilote. Elle regarde le paysage, se laisse prendre par la ville ainsi rangée. Elle doute et elle cherche le marché Joliot-Curie. Elle ne le voit pas, elle est un peu désorientée. Elle espère que ses photographies aériennes plairont à l'éditeur Lyna. Elle y travaille depuis peu. Mais déjà le pilote retourne vers l'aéro-club.
Argenteuil est dans la boîte.